« J’aime décortiquer les nœuds et faire en sorte que tout le monde ait du plaisir à travailler. »

MURIEL TASTET, Administratrice de production

On l’attrape au vol sur le tournage de la quotidienne de France 2, Un si grand soleil à Vendargues (34). Les journées sont courtes. Elle y effectue un remplacement et le challenge est complexe : « Il s’agit d’assimiler trois ans de construction d’un lieu de production et de réussir à produire au plus près de ce que le collègue que je remplace a mis en place sur l’administration, aux côtés du producteur exécutif. » C’est un défi qu’elle relève avec l’énergie que lui procure la liberté qu’elle s’est créée : choisir les contrats dans lesquels elle s’engage.

C’est la rencontre avec Christian Rouaud à Bagnères-de-Bigorre (65) en 1997 qui va l’aiguiller vers la production et la gestion d’une société de production, Entre2prises, où elle s’occupe encore aujourd’hui de la gestion des salaires, « parce que ce sont des copains. » A Vic-en-Bigorre, où elle résidait alors, avait lieu chaque année un festival « Champ et Contrechamps », piloté par la Cumav 65. Ce collectif, initialement destiné à la mise en commun de matériel audiovisuel et initié par un enseignant en lycée agricole, Jacky Tujague, anime le territoire bigourdan depuis les années 1980. Muriel, après diverses expériences professionnelles, mais aussi de vie associative, s’engage dans l’équipe du festival. « Je rencontre Jacky dans la rue, il me propose un remplacement, je lui dis que je n’y connais rien, j’y suis restée 15 ans. »

Avec Christian Rouaud, elle va faire partie de la petite équipe de Tous au Larzac, plus d’un an à tourner sur le plateau aveyronnais à la rencontre de celles et ceux qui ont porté la lutte contre l’extension du camp militaire dans les années 1970. « C’était extraordinaire comme aventure humaine. » Quand Marizette Tarlier, l’une des figures du mouvement du Larzac et du film de Christian Rouaud, est décédée en septembre dernier, « j’ai perdu comme quelqu’un de ma famille » s’émeut Muriel.

S’embarquer, c’est son mot. Au loin de son Tarn-et-Garonne d’adoption, en Afrique, à Kinshasa, au Sénégal ou à Lille pour les Petits meurtres d’Agatha Christie. « Pour cette série, c’est deux fois 18 semaines par an à partir de chez soi. Avec le temps, j’y ai créé de très belles amitiés. » A la question, naïve : « Mais ce travail nécessite-t-il une présence sur le tournage ? », elle répond par une affirmative plus que convaincue. « C’est l’intérêt de ce métier. J’adore cela, voir se construire une petite famille en préparation puis pendant le tournage et une mini-ville qui va s’activer pendant neuf semaines ! ».

Son autre approche pour choisir ses embarcations, c’est la lecture des scénarios. Elle aime « prendre connaissance des récits » avant de se plonger dans les chiffres. Administrer la production d’un film, d’un téléfilm ou d’une série, c’est maîtriser à la fois la comptabilité, la gestion globale du budget et des salaires. C’est connaître la diversité des conventions collectives et les obligations légales et fiscales. Sa mission commence en amont du tournage et consiste à suivre la totalité de l’aventure jusqu’à la post-production et le « prêt-à-diffuser ».

Si l’âge de la retraite approche, elle ne s’y voit pas forcément. Elle avoue avoir toujours autant de plaisir à travailler. Cet attrait s’enracine dans l’enfance, quand elle musardait dans les coulisses de la Comédie Française et du théâtre de l’Odeon. Son grand-père était décorateur de la compagnie Renaud-Barrault et lui ramenait toujours de ses tournées lointaines monts et merveilles. « Je jouais sur les genoux des actrices et des acteurs. » Elle y a pris définitivement le goût des belles histoires.

5 dates qui ont marqué le parcours de Muriel Tastet :

1974 : Départ de Paris, arrivée à Vic-en-Bigorre.
1993 à 2008 : Festival Champ et Contrechamps en Bigorre.
2008 / 2009 : Année charnière. Premières expériences d’administration dans l’audiovisuel (Millimages / BAC Films, Groupe Lagardère / Leovision…).
2018 : Administratrice et gestion sur Deux, de Filippo Meneghetti. « Un très beau film ».
2020 : Administratrice et gestion sur Madeleine Collins. « Un autre très beau film ! ».

Films qui ont marqué le parcours de Muriel Tastet :

Viva Riva ! de Djo Tunda Wa Munga. Formosa Productions. 2010.
Tous au Larzac de Christian Rouaud. Prod. Elzévir Films. 2011.
La pirogue de Moussa Touré. Prod. Les Chauves-souris. 2012
Deux de Filippo Meneghetti. Prod. Paprika Films. 2019.
Madeleine Collins d’Antoine Barraud. Prod. Les Films du Bélier. 2020.