Productrice
« Depuis le début, je revendique la liberté. »
ANNABELLE BOUZOM, Productrice
(les films de l’autre cougar)
Il y a des phrases, sitôt prononcées, qui sonnent comme des clichés. Annabelle Bouzom s’en excuse immédiatement. Pourtant on a le sentiment qu’on a touché au plus près d’une vérité. La liberté, c’est sa place dans le monde. Aller voir ailleurs, son moteur. Avec le cinéma, elle a trouvé un ailleurs à la mesure de ce désir, qui n’est pas sans contraintes et qui la guide dans des questionnements permanents sur tous les choix qu’implique la production de films. « En ce moment de bouleversement des métiers du cinéma sur les questions, non seulement de rapports hommes / femmes, mais aussi de rapports hiérarchiques, salariaux, bien sûr que je m’interroge sur mon rôle de productrice. »
Elle a produit sept films l’an passé, deux longs et cinq courts. Et une vingtaine en six ans. « Ce sont tous des films de fiction, de fait, mais ce n’est pas une volonté. La volonté c’est de produire du cinéma. » Si elle reçoit près de dix projets par semaine, elle privilégie le choix de films atypiques dans leur forme. « Pas forcément expérimentaux, j’aime qu’on me raconte des histoires. Mais je ressentais en tant que spectatrice une lassitude par rapport à une très grande conformité des films. Je n’étais que rarement surprise formellement. » Guidée par son intuition, un projet peut ne se présenter que sur une demi-page pour qu’elle décide d’en lancer la production. « Enfin, ce n’est arrivé que deux fois ! précise-t-elle en souriant. Pour deux moyens métrages à succès : Haramiste d’Antoine Desrosières, et Braquer Poitiers de Claude Schmitz » qui obtiendra le Prix Jean-Vigo en 2019.
Ce qui va être déterminant, c’est la rencontre avec le ou la réalisat.eur.rice. « Ce sont des « petits mariages », on va vivre ensemble pendant toute la durée du film, cela dure au moins quatre ans, de l’écriture à la diffusion. » Son accompagnement est à la fois subtil et tenace, elle cherche à favoriser la liberté de création à toutes les étapes du travail et avoue adorer le moment du montage, « où le film apparaît sous nos yeux ; où on peut le faire et le défaire ».
L’autre gratification, c’est d’assister aux premières rencontres entre le film et son public. « Qu’elles soient dix ou cent personnes dans la salle, c’est une récompense absolue, par rapport aux longs mois de fabrication, d’assister à la réception des films, et de les voir faire leur propre voyage dans l’esprit des gens. »
Et le voyage, elle connaît. A peine diplômée en sciences politiques, elle s’engage dans des structures humanitaires et part au Kenya, en Thaïlande, au Togo… Revenue en France, elle rejoint la Cimade et dirigera des équipes au sein de France Terre d’Asile et l’Assfam, dans l’accueil de réfugié.e.s. Un voyage qu’elle poursuit d’une autre manière : « J’adore mon métier parce que la réalité bouge tout le temps, et chaque projet m’oblige à développer de nouveaux savoirs. » Si elle ne saurait pas dire exactement pourquoi elle est devenue productrice, Annabelle date avec précision sa prise de décision : « le 2 janvier 2010 ». C’était à Paris, elle venait de voir le film de Mia Hansen Løve évoquant le destin tragique du producteur Humbert Balsan, Le père de mes enfants.
Désormais ancrée dans le Tarn, forte de ses expériences passées, de ce qu’elle est, de ce qu’elle pense, elle se positionne aussi en terme politique : « cela veut dire que chacun de mes films contient une critique sociale. Si le cinéma peut sublimer le réel, il doit aussi contribuer à déplacer les regards. »
Ah ! Et au fait… Pourquoi « L’autre Cougar » ? L’anecdote est plaisante. Un jeune réalisateur lui propose à ses débuts un « chef d’œuvre » qui, pourtant, a été refusé par une productrice ayant pignon sur rue : « Elle n’en a pas voulu, l’autre cougar ! ». Annabelle, qui, à l’époque, a vingt-six ans, se saisit de l’expression pour en inverser le sens et rendre ainsi hommage à celles qui l’ont précédées dans ce métier.
5 dates qui ont marqué le parcours d’Annabelle Bouzom :
18 novembre 1983 : Naissance à Grenoble
2005 à 2008 : Expériences humanitaires au Liban, au Kenya, en Thaïlande, au Togo
2013 : Rencontre de Jordi Perino, réalisateur qu’elle produit et qui deviendra un précieux allié, consultant ou co-auteur d’autres films de « L’autre cougar »
2014 : Haramiste, d’Antoine Desrosières, se fait remarquer et lui permet de devenir productrice « à plus-que-plein temps »
2016 : Arrivée en Occitanie
5 films qui ont marqué le parcours d’Annabelle Bouzom :
Braquer Poitiers, de Claude Schmitz (2018) – Prix Jean Vigo / Sélection César 2020
À genoux les gars, d’Antoine Desrosières (2018) – Sélection Officielle Cannes 2018
Marie Salope, de Jordi Perino (2015) – Premier film « en famille »
Haramiste, d’Antoine Desrosières (2014) – Toutes premières vraies leçons de production
La double croisée, de Jean-Charles Atzeni (2013) – Le tout premier film produit
Son actualité :
Braquer Poitiers est présélectionné pour les Césars 2020 dans la catégorie courts métrages.
Préparation de la sortie du long métrage Notre Histoire de Vincent Dietschy.
Tournage en 2020 de deux courts métrages d’Alice de Lencquesaing et d’Anthony Lapia, et d’un long métrage d’Eve Duchemin.
D’autres films sont en projet, portés par Antoine Desrosières, Anne-Sophie Nanki, Dania Reymond, etc.